DE JACK JOHNSON A MUHAMMAD ALI (2)

Joe Louis, Le Bombardier Noir : Héro de toute l’Amérique 



 JACK DEMPSEY (1895-1983)

En 1919, Jess Willard tombe sur le « tueur de Manassa », ainsi appelle-t-on Jack Dempsey, qui lui ravit son titre et entamera un long règne comme Champion du monde jusqu’en 1926. Dempsey aussi avait son « shadow champion », en la personne de Harry Wills, qu’il n’accepta jamais de rencontrer.


Sept ans plus tard, Gene Tunney réussit à battre Dempsey, mais, prenant sa retraite dès 1928 il laissa son titre vacant. Se succédèrent alors, Schmeling, Sharkey, Carnevera (qui représentait l’Italie de Mussolini), Baer, Braddock et enfin Joe Louis… 22 ans s’était écoulés.


JOE LOUIS (1914-1981)

« Le Bombardier Noir : Héro de toute l’Amérique »



C’est le 22 juin 1937 que le jeune Joe Louis, âgé de 23 ans devint le champion du monde des poids lourds en battant Braddock, mis KO à la 8ème reprise. Le Champion est de nouveau Noir et l’Amérique entend bien faire en sorte que cela ne soit pas une catastrophe comme avec Jack Johnson! Mike Jacobs, promoteur, va s’occuper de la stratégie marketing avec ses managers Blancs et le contrat de Louis aura des clauses très précises :

- Il ne devra jamais être photographié en compagnie d’une femme Blanche.

- Il ne se rendra jamais seul dans une discothèque.

- Il ne devra jamais conduire une voiture de sport ni aucune voiture rouge.

- Il ne devra jamais être impliqué dans un combat truqué.

- Il ne devra pas se réjouir devant un adversaire au sol.

- Il devra vivre et combattre proprement.

Ainsi Joe Louis paya-t-il le lourd tribut que lui avait laissé Jack Johnson son prédécesseur. Cela explique certainement la froideur que pouvait avoir Louis en public ainsi que son visage irrémédiablement triste sur les photos. Louis ne souriait pas, son regard était vide et bon nombre de ses adversaires ont rapporté que ce qui les avaient terrorisé lorsqu’il l’avait affronté sur le ring, c’était ce regard de tueur, encore plus effrayant que ses énormes poings. Cependant, hors du ring, on y lit un désespoir aucunement factice car Joe Louis était non pas un tueur né, mais un tueur fabriqué. A l’époque, de toute façon, le boxeur photographié ne devait pas sourire, on s’intéressait uniquement à son entraînement et à ce qu’il mangeait au petit déjeuner, les phrases courtes étaient de mise.







 Louis fût donc immédiatement un boxeur aimé par tout le monde : les Blancs comme les Noirs.
Il le devint plus encore après son combat mythique contre Max Schmeling.

En juin 1938, le Champion du Monde Américain allait rencontrer le Boxeur star de l’Allemagne Nazie. Le Yankee Stadium dût accueillir soixante-dix-mille spectateurs et l’on rapporte qu’il y eut plus de cent millions de personnes écoutant la retransmission radiophonique.
Le président Roosevelt lui dit : "Joe, we need muscles like yours to beat Germany."
Alors que Louis avait perdu face à Schmeling en 1936, il devait en cette soirée historique et totalement hystérique battre impérativement l’Allemagne de Hitler représenté en la personne de son adversaire, et c’est ce qu’il fit ! Il devint alors Le Héro, et on ne l’appela plus "Coffee-Colored KO King » ou "Chocolate Chopper" mais « the Black Bomber ».



 Les années passants, comme il était un boxeur extraordinaire, il devint un mythe : détenteur du titre de 1937 à 1949, il détient le plus long règne de 12 années consécutives, invaincu. La carrière de Louis fût un temps interrompue par la guerre. Il donna comme soldat pas moins de 95 exhibitions pour distraire les troupes Américaines.

Pour les Blancs il était la preuve que l’on peut être un bon Noir et pour les Noirs celui qu’il fallait être, un exemple sans pareil, un Dieu des temps modernes, tant et si bien que Chris Mead rapporte ces paroles de Martin Luther King :

« Il y a quelques temps, un des états du Sud a adopté un nouveau type de peine capitale.
Le gaz à supplanté le gibet. Au début, un microphone était placé dans la salle d’exécution scellée
pour que les observateurs scientifiques puissent entendre les derniers mots du prisonnier mourant…
La première victime fût un jeune Noir. Comme la boulette tombait dans le tube et que les volutes de gaz montaient, les mots suivants sortir du microphone : 
 Joe Louis, sauve-moi ! Joe Louis, sauve-moi ! Joe Louis, sauve-moi… »

(Chris Mead, « Champion : Joe Louis, un homme Noir dans l’Amérique Blanche »)


Il n’est donc pas difficile de comprendre que lors de ses premiers interview le jeune Cassius Clay
n'eut de cesse de répéter qu’il voulait être « comme Joe Louis » ou que Joe Louis était son héro, alors qu'en fait - et ce fût très vite clair- il n’avait rien de Joe Louis. Leurs personnalités si différentes mais aussi, bien-sur, le contexte de l’époque ne faisait pas de Cassius « un Joe Louis » … ce que Joe Louis ressentit très bien lui-même dès le début. Après tout les efforts publics qu’il avait fait, après avoir été totalement instrumentalisé par les Blancs, les blagues, les cris, la vantardise de Clay ne le faisait pas du tout rire…Elle lui rappelait juste Jack Johnson, celui pour qui il avait payé toute sa vie. Joe Louis ne sera jamais proche de Cassius Clay/Muhammad Ali et entrainera même parfois ses adversaires.


 En 1951, Joe Louis sortira de sa retraite pour combattre Rocky Marciano pour des raisons évidemment financières : les USA lui réclamant des impôts sur deux bourses dont il avait fait don au pays comme efforts de guerre… Il perdit le combat et arrêta définitivement, accro à la cocaïne et souffrant d’un trouble paranoïaque certainement renforcé par le fait que le FBI le surveillait. Il mourut ruiné en 1981.






 "From black folks to red-neck Mississippi crackers, they loved him. 
They're all crying. That shows you. 
Howard Hughes dies, with all his billions, not a tear. 
Joe Louis, everybody cried."
 
- Muhammad Ali -

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